Un excellent article sur les caissons de basse, en 6 parties, paru dans le magazine sono, N°323 à 328, par Alain Pouillon-Guibert, Monsieur APG himself.
Les caissons de grave
Fonctionnement d'un bass-reflex
Nous avons terminé notre précédent exposé sur le principe du résonateur d'Helmholtz et sa transposition au système bass-reflex, voyons cela de plus près. Bass-reflex, le mot est lâché, serait-ce le Graal du sonorisateur à la recherche du gros son ? Ma réponse sera plus nuancée. La charge bass-reflex étant une solution parmi d'autres, mais une solution majoritairement utilisée. Pourquoi?
Reprenons l'exemple de la bouteille dans laquelle on souffle. Je suppose que vous avez eu assez de temps depuis un mois pour expérimenter les différentes possibilités sonores du résonateur de Helmholtz. depuis la canette de bière de 25 cl. jusqu'au jéroboam de Clos-Vougeot. pour les œnologues aux bourses garnies. Ce qui est plus difficile à appréhender avec une bouteille, dont les paramètres géométriques sont fixes et dont seul le volume peut être modifié, c'est qu'à volume égal, on peut faire varier la fréquence d'accord en jouant sur les dimensions de l'évent, longueur et surface. C'est ce que je vais faire, virtuellement. en jouant avec la formule qui donne la fréquence d'accord d'un résonateur:
LES LIMITES EN FONCTION DE LA FRÉQUENCE
1) Limite de déplacement dans les basses fréquences. En effet, en dessous de la fréquence de résonance, il y a court-circuit acoustique entre l'avant et l'arrière de la membrane, plus rien ne la retient.
2) Limite de température de la bobine mobile. Lorsque la fréquence augmente, le déplacement diminue, on peut donc pousser plus, mais seulement jusqu'à la limite thermique.
Afin d'illustrer mon propos. |e vais construire, virtuellement deux enceintes autour du même HP (figures 8 et 9). Les courbes jaunes correspondant à une enceinte bass-reflex de 47 litres et les courbes bleues à une enceinte bass-reflex de 29 litres. Toutes deux étant filtrées avec un passe-haut adéquat afin de limiter le débattement de la membrane sous la fréquence d'accord. La courbe de réponse de la plus volumineuse est. évidemment, la plus favorable. Coupure à - 3 dB à 40 Hz, contre 60 Hz pour la plus petite. La simulation étant effectuée à 11 W, les deux courbes de déplacement restent en dessous de la limite du Xmax à 2,5 mm. Sans autre paramètre à ma disposition, je choisis la plus grosse sans hésiter. Erreur I Voici le vrai juge arbitre, la valeur du niveau SPL maximum dont les enceintes sont capables en fonction des différentes limites (figure 10).
Au-delà de 120 Hz. pas de différence. la limite est la limite thermique. identique puisque les HP utilisés sont les mêmes. Par contre, en dessous de cette fréquence. l'enceinte "jaune" qui semblait plus favorable en dessous de 80 Hz. se révèle beaucoup moins performante, jusqu'à - 6 dB à 50 Hz. Et bien qu'elle reprenne la main en dessous de 50 Hz, il est évident que l'enceinte "bleue" offrira de meilleures prestations sur le terrain.
Je garde la surface d'évent constante et je fais varier sa longueur. Sur la figure 1 est représentée en rouge la contribution énergétique de l'évent et en bleu celle du HP La réponse résultante est représentée en pointillés. L'énergie fournie par la membrane du HP est très peu différente de celle délivrée par le même HP dans une enceinte close de même volume.
La figure 2 représente la courbe amplitude fréquence de ce même HP dans le même volume, mais clos. La principale différence entre les deux courbes bleues, est l'accident de la première dû à la présence de l'évent. La résonance du volume crée une surpression interne centrée sur la fréquence de résonance, encore appelée fréquence d'accord, et vient freiner le déplacement de la membrane qui donc génère moins d'énergie dans cette zone.
Quant à l'évent, dont l'énergie est ici centrée à 52 Hz. il procure son maximum d'énergie à cette fréquence. Le simple fait d'être passé d'une enceinte close à une enceinte bass-reflex de même volume a fait gagner une octave dans le grave. Enfin presque... On peut en effet voir que les deux courbes résultantes se croisent environ à 40 Hz, au-dessus de cette valeur, le bass-reflex prend l'avantage mais en dessous, c'est l'enceinte close qui procure plus de niveau. Les deux courbes n'ont pas les mêmes pentes à la coupure. L'enceinte close a une forme correspondant à un filtre passe-haut du second ordre (12 dB/oct.), alors que le bass-reflex correspond à un filtre du quatrième ordre (24 dB/oct.). C'est de cette façon que fonctionnent la plupart des logiciels de simulation électroacoustique, par analogie mécano-électrique. Le problème étant toujours le même, faire la bonne analogie... Dans l'exemple de la figure 3, les deux courbes d'impédance sont assez peu différenciées, mais on voit quand même apparaître la deuxième bosse, caractéristique d'un bass-reflex. J'en profite pour assassiner au passage la méthode du chameau, que j'ai nommée ainsi à cause de la similitude avec l'animal à deux bosses. On voit encore parfois certains bricoleurs du dimanche qui utilisent cette méthode. pour caler correctement une enceinte bass-reflex. En quoi consiste-t-elle ?Tout simplement à égaliser l'amplitude des deux bosses d'impédance. Si cela fonctionne parfois, ce n'est sûrement pas la bonne méthode en règle générale.
Je vais faire varier la fréquence d'accord en diminuant la longueur de l'évent sans rien changer d'autre et donc en faisant glisser vers le haut le creux d'impédance ente les deux bosses jusqu'à obtention d'un beau profil de "chameau" bien symétrique. Et voilà, une courbe de réponse d'une bonne enceinte bas de gamme destinée à faire illusion dans le haut grave mais sûrement pas digne de porter le nom de caisson de grave. Cette forme de courbe (figure 4) n'est cependant pas à jeter aux orties au premier coup d'oeil. Les 5 à 6 dB de plus obtenus aux alentours de 100 Hz peuvent être rabotés par un filtrage actif passe-haut adéquat et seront autant d'énergie économisée au niveau des amplis dans un système satellite + caisson. Des amplis des satellites bien entendu. On peut aussi imaginer la manip inverse qui consiste à descendre l'accord plus bas que l'optimum créant alors une courbe suramortie (figure 5) destinée à être traitée par une compensation électronique et qui fera un très beau caisson de basse de petit volume.
C'est maintenant 6 dB qu'il va falloir ajouter à 40 Hz pour obtenir une courbe droite à partir de cette fréquence. Sachant que dans la plupart des musiques modernes le niveau décroît en dessous de 100 Hz, l'affaire est jouable, et certains constructeurs astucieux ne se privent pas de l'utilisation de ces artifices pour améliorer le rapport fréquence de coupure grave/volume de leurs produits... Quelle conclusion tirer de cet exemple? Tout simplement qu'avec le même HP dans le même volume. il est possible de faire des choses très différentes. Entendons-nous bien, je parle de sonorisation et non pas de hi-fi d'appartement. A l'époque actuelle, le concepteur de systèmes de son a à sa disposition des outils très puissants. Que ce soit pour la simulation ou pour la réalisation de produits finis. Il n'est plus question, à partir d'un certain niveau de qualité, de séparer l'actif du passif, l'amplification de l'enceinte.
ET À FORT NIVEAU?
C'est bien beau tout ça me direz-vous, mais que se passe-t-il lorsque la puissance augmente, toutes ces simulations étant effectuées à faible niveau, généralement 1 W. Bonne question vous répondrai-je. je suis content que vous me l'ayez posée et je vais y répondre.
Nous devons faire face à deux phénomènes incontournables : ça chauffe et ça bouge. Toujours la même chose et évidemment toujours les mêmes conséquences: ça brûle et ça casse. Que faire pour limiter la chauffe ? Refroidir... En faisant circuler de l'air. Ça tombe bien, plus la puissance augmente, plus la membrane bouge et plus l'air circule. Mais de l'air qui circule dans un tube, ça doit faire du bruit aussi, ne serait-ce pas ce qu'on appelle des bruits d'air (d'écoulement) ? Bingo ! C'est là encore un des principaux soucis du concepteur sérieux. Eviter les bruits d'air qui, à partir d'un certain niveau, deviennent carrément gênants et qui doivent être pris en compte dans la conception des évents. Car, si sur le papier, ou plutôt sur l'écran de l'ordinateur, on ne fait aucune différence entre un évent de faible surface et un autre de taille plus respectable. l'écart va se creuser dès qu'on va envoyer le boulet. Je vous ai donc préparé deux tableaux (figures 6 et 7) qui vont vous permettre de fixer les ordres d'idée des phénomènes mis en jeu. Je vous invite à vous reporter à mon deuxième article (n° 324) pour l'explication des formules de calcul.
Mais rappelez-vous simplement qu'une augmentation de niveau de 10 dB correspond à une augmentation de déplacement de 3,15 fois et que vouloir descendre à l'octave inférieure multiplie par 4 la valeur du déplacement. Il est bon de savoir aussi que dans un bass-reflex, l'énergie rayonnée est majoritairement due au déplacement de la membrane au-dessus de la fréquence d'accord et au "courant d'air" qui sort de l'évent autour de cette fréquence. En dessous de cette dernière, le courant d'air génère de moins en moins de niveau sonore mais son amplitude augmente de plus en plus lorsque la fréquence diminue.
MAIS LES BRUITS D'AIR DANS TOUT ÇA, LES OUBLIERAIT-ON? QUE NENNI
Les évents de chacune des enceintes étant sensiblement identiques, la différence de volume faisant la différence d'accord, là encore, l'enceinte jaune est pénalisée, sa fréquence d'accord étant plus basse, le déplacement d'air dans l'évent est plus important et. comme la surface est identique, la vitesse est plus grande (figure 10). J'ai placé un marqueur à 25 m/s. c'est-à-dire 90 km/h. A cette vitesse, autorisée par le législateur, ouvrez donc une fenêtre et écoutez le doux chant des molécules qui glissent le long de la carrosserie... Il faudra bien plus de 104 dB de grave, valeur correspondant à ce graphe, pour oublier les bruits d'air. Mais je reconnais avoir été méchant avec les évents. qui font, dans cet exemple, 5 cm de diamètre.
Pour éviter d'avoir un flux d'air circulant à haute vitesse, 5 m/s étant considérée comme une valeur acceptable, et pour un niveau de 110 dB. il faut à 50 Hz deux évents de 10 cm de diamètre mais de 82 cm de long. Et il faut à 35 Hz quatre évents de 10 cm de diamètre mais de 1,57 m de long... Je vous fais grâce du calcul, ça nous oblige è augmenter le volume total de l'enceinte bleue de 13 litres, et l'enceinte jaune de 49 litres (augmentation du volume de l'évent, indépendamment de sa forme : il peut être replié). On passe donc d'un volume théorique de 29 litres à un volume réel de 42 litres pour l'enceinte bleue et. accrochez-vous aux poignées, d'un volume théorique de 47 litres à un volume réel de 96 litres pour l'enceinte jaune. Tout cela évidemment à condition d'avoir augmenté aussi le Xmax du HP.
LA CHARGE SYMÉTRIQUE OU DOUBLE REFLEX
Mais alors, si un résonateur apporte un tel bénéfice dans le grave, pourquoi ne pas en mettre un autre à l'avant du HP? Et oui. pourquoi pas ? Et hop. d'un coup de baguette magique, voici le double résonateur (figure 12) ! Certains appellent ce type de charge. charge symétrique, car identique à l'avant et à l'arrière du HR Elle présente certains avantages. Si on admet une ondulation de la courbe de moins de 0.5 dB, le gain par rapport au simple bass-reflex. dans cet exemple (figure 13) est de 2.5 dB, avec une extension dans le grave bien meilleure. Quel est le prix à payer ?
Environ 10 litres de plus sur le volume réel, évents inclus et une fréquence de raccordement maxi imposée par le caisson. Y'a pas photo ! Un gain moyen de 4 dB pour un déplacement flus faible (figures 14 et 15). que demander e mieux ?
Attention, plus on ajoute de résonateurs et plus on fait tourner la phase. Les oreilles sensibles perdront en qualité ce qu'elles gagneront en niveau.
Explication (figures 16 et 17) : une enceinte close est assimilable à un filtre passe-haut du second ordre, donc avec une inversion de phase en dehors de la bande passante.
Un bass-reflex simple est assimilable à un filtre passe-haut du Quatrième ordre, donc avec une double inversion de phase. Quant au double reflex, il a un comportement identique à celui d'un filtre passe-bande. d'où son déphasage au-dessus de sa coupure haute.
Qui dit modification de la phase ou bien du temps de propagation de groupe, ce qui représente sensiblement le même phénomène, dit modfication du signal donc détérioration du timbre et non respect de la source sonore. Le choix de l'audiophile ne sera pas celui du traqueur de décibel à faire vibrer les pantalons... Les illustrations 18 à 21 donnent quelques exemples de caissons de grave.
Le mois prochain j'aborderai les autres charges possibles, moins usitées, les phénomènes de couplage e: surtout le choix du positionnement des caissons.
Acoustiquement vôtre.
Alain Pouillon-Guibert
Ingénieur-conseil diplômé ESME. Consultant en acoustique et électroacoustique.