Un excellent article sur les caissons de basse, en 6 parties, paru dans le magazine sono, N°323 à 328, par Alain Pouillon-Guibert, Monsieur APG himself.
Les caissons de grave
Etude du pavillon acoustique
Après avoir vu les caissons à résonateur, majoritairement utilisés dans notre métier, et si leurs avantages sont indéniables, la conclusion s'impose que le vrai paramètre limitatif reste le déplacement de la membrane. Alors prenons le problème à l'envers, comme il a été traité au début de la sonorisation, c'est-à-dire dans les premières salles de cinéma "parlant". Comment générer un niveau sonore élevé à partir d'une source limitée en déplacement? La recette est simple, c'est la même que celle du tuba, qui est la même que celle du gramophone, qui est la même que celle du porte-voix tout simplement, mais appliquée aux fréquences basses.
LE PAVILLON ACOUSTIQUE
Le porte-voix encore appelé "mégaphone'.' en grec ancien littéralement "grosse voix”, permet d'amplifier le niveau de la voix, ou de toute autre source sonore qu'on aurait l'idée de mettre à son embouchure. C'est l'outil créé par l'homme pour remplacer les mains placées "en pavillon" devant la bouche. Il fonctionne selon deux principes différents mais qui dans ce cas sont parfaitement complémentaires.
1°) Adaptation d'impédance mécanique entre la source, la bouche, et le milieu extérieur, l'atmosphère (à condition de plaquer le contour de la bouche à l'entrée du porte-voix).
2°) Directivité due au guide d'onde et à sa taille de bouche. La figure 1 est donc un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire, c'est-à-dire lever le porte-voix vers le ciel lorsque les auditeurs sont au niveau du sol. Remplacez la pom pom girl par un haut-parleur et vous obtenez une enceinte à pavillon. Certes, elle ne sera pas réellement optimisée mais c'est un début.
COMMENT FONCTIONNE UN PAVILLON?
Un pavillon est un adaptateur d'impédance. un transformateur acoustique, c'est d'ailleurs de cette façon que les logiciels de simulation font l'analogie mécano électrique d'un pavillon. Tout conduit dont la section est croissante depuis la gorge vers la bouche est un pavillon, mais la loi qui va régir l'expansion de la section en fonction de la distance va modifier le comportement de ce pavillon. Une membrane de haut-parleur, aussi légère soit-elle, est toujours beaucoup plus dense que l'air. Il y a presque un rapport de mille entre la densité d'une membrane et celle de l'air. Il est donc difficile de faire passer l'énergie de la membrane dans l'air environnant et c'est pour cette raison que les rendements des HP électrodynamiques sont si faibles, surtout dans le grave (1). La membrane du HP étant généralement chargée par une chambre de compression située au niveau de la gorge du pavillon, la pression est forte et les contraintes mécaniques aussi. Au fur et à mesure que la vibration acoustique va se déplacer dans la colonne d'air dont la section va croissant, la pression diminue car le volume augmente jusqu'à arriver au niveau de la pression atmosphérique à la bouche du pavillon. Un pavillon correctement calculé et réalisé peut apporter un gain de rendement de l'ordre de dix.
QUE FAUT-IL DONC POUR QU'UN PAVILLON FONCTIONNE DANS LE GRAVE?
C'est toujours le même problème de la relation fréquence - longueur d'onde. Plus la fréquence diminue, plus la longueur d'onde augmente et plus les dimensions pour les manipuler augmentent aussi. Attention, vous pourrez toujours essayer de coupler un petit HP au tuba et bien que sa longueur dépliée soit importante, il ne fonctionnera pas en pavillon. Un instrument de musique est l'opposé d'une enceinte acoustique, il crée des sons mais ne les reproduit pas. La physique des instruments à vent est fondée sur la génération d'ondes stationnaires dans le corps de l'instrument. celle d'un pavillon de grave va, au contraire, essayer de les éviter.
On peut concevoir des pavillons de faibles dimensions fonctionnant dans le grave, mais leur efficacité sera faible aussi. Pour obtenir rendement et extension dans le grave il va falloir fabriquer un gros meuble.
Pour les matheux, pas grand-chose de nouveau depuis la formule de Webster, qui date quand même de 1919, et dont je ne résiste pas au charme toujours actuel de son équation différentielle :
Alors pour éviter des volumes de caisse trop importants, les caissons de basse à pavillon sont en général le fruit d'un compromis entre volume et extension dans le grave (figure 2). Leur courbe de réponse en fréquence présente généralement deux plateaux, l'un qui se prolonge jusqu'à la fréquence de coupure basse du volume de charge du HP et l'autre, quelques dB au-dessus, qui démarre à la fréquence de coupure du pavillon lui-même. On obtient une courbe montante, typique de ce type de charge, qui va favoriser le haut grave qui "cogne" au détriment des fréquences basses qui font vibrer les pantalons. Une égalisation adéquate et tout rentre dans l'ordre, tout en conservant l'avantage d'un haut rendement sur une partie du spectre reproduit.
Voilà, nous avons fait le tour des principales charges utilisées pour faire sortir du grave d'un haut-parleur. ce tour n'est pas exhaustif et il est aussi possible de combiner différentes charges, par exemple bass-reflex et pavillon (figure 3). De plus en plus de constructeurs s'intéressent aussi à la possibilité de rendre leurs caissons directifs. En effet, pourquoi rayonner dans tout l'espace alors que les spectateurs se trouvent en face de la scène ?
COMMENT RENDRE LE GRAVE DIRECTIF?
Deux possibilités : soit agencer deux ou trois caissons de grave en ligne et leur appliquer un traitement de signal particulier, soit s'équiper avec un ou des caissons de grave directifs et les utiliser avec les configurations prévues par le constructeur. Eh oui. pour obtenir des graves directifs il faut impérativement manipuler plusieurs sources qui reçoivent des signaux différents. L'efficacité de certains systèmes est redoutable. La recette consiste à fabriquer un caisson comportant deux sources rayonnantes, l'une à l'avant et l'autre à l'arrière, les HP pouvant être chargés de différentes façons. Le dipôle ainsi créé devra fonctionner à la façon des microphones cardioïdes. voire super ou hyper cardioïdes, jusqu'à la fréquence de coupure basse souhaitée. Un caisson de grave de directivité cardioïde, on dit cardioïde car la forme de la courbe polaire a celle d'un cœur, comporte donc des HR ou des évents. à l'avant et à l'arrière (figures 4 & 5). Ces systèmes apportent un gain de confort et d'efficacité considérable. Sur scène, la prise de son est largement facilitée par le faible niveau direct de la sonorisation de façade. En extérieur, la majeure partie de l'énergie générée l'étant vers l'avant, on s'affranchit des réflexions tardives causées par les obstacles placés à l'arrière et sur les côtés. On évite aussi de polluer les zones qui ne sont pas directement concernées par le spectacle.
Point n'est besoin d'être extralucide pour prédire que dans quelques années tous les systèmes de son utilisés en extérieur se devront d'être directifs.
Mais le point crucial de toute installation, qu'elle soit fixe ou mobile, en intérieur ou en plein air, est la manière d'agencer le ou les caissons de grave afin d'en tirer la quintessence.
COMMENT RACCORDER UN CAISSON DE GRAVE?
Première chose à faire, comme pour n'importe quelle enceinte, vérifier la polarité de la connec-tique. Le point chaud du connecteur, 1 * ou 2* pour un Speakon, doit être raccordé au point chaud du HR généralement la borne rouge. Notez bien que j'emploie le terme de polarité et non celui de phase. La confusion est courante puisqu'une inversion de polarité est équivalente à une inversion de phase. Cependant, une variation de phase est une variation temporelle, alors qu'une inversion de polarité ne l'est pas, mais ceci est une autre histoire...
Ensuite, faire transiter le signal large bande par un filtre, actif de préférence compte tenu de la faible valeur de la fréquence de raccor-dement0". raccorder un ampli supplémentaire pour alimenter la partie grave et brancher le tout. Facile. Sauf que si vous n'utilisez pas un système homogène sortant de chez un seul et même constructeur, vous risquez de patauger un certain temps, voire un temps certain avant de trouver la bonne solution. Quels ordres pour les filtres ? Le même ordre pour le sub et la partie haute ? Quelle polarité ? Quelles fréquences choisir ? La même fréquence pour le passe-haut et le passe-bas ? Je vous donne une recette qui, si elle n'est pas la meilleure, fonctionne à tous les coups. Choisissez une coupure entre 80 Hz et 150 Hz. selon le rapport de puissance entre les caissons et les satellites, sachant que plus la fréquence de raccordement est haute, plus vous soulagez le satellite et chargez le grave mais moins vous avez de latitude dans le placement relatif des deux boîtes. Attention à rester dans la bande passante de l'enceinte, c'est-à-dire ne pas choisir une fréquence trop basse qui serait dans la limite basse du satellite, ni une fréquence trop haute dans le cas d'un caisson double reflex. Choisissez un filtrage du quatrième ordre de type Linkwitz-Riley en prenant soin d'avoir les mêmes valeurs de fréquence pour le passe-haut et le passe-bas. et vérifiez que la polarité est identique sur le sub et sur les satellites. Normalement ça fonctionne correctement à condition de ne pas avoir un décalage temporel trop important entre les deux sources. Après avoir écouté le résultat, inversez la polarité du caisson et écoutez à nouveau. Le bon raccordement doit être évident.
Mais il est bien évident aussi que l'utilisation d'un système de mesure vous sera d'une aide précieuse, à condition de savoir s'en servir, ce qui n'est pas si facile qu'il y paraît. Alors, si vous décidez de franchir le pas et de vous lancer dans la mesure, n'allez surtout pas investir des sous là où il n'y en a pas besoin. Un simple micro électret raccordé à une carte son standard d'un PC de base et le tour est joué. Il vous faudra vous équiper avec un logiciel de mesure et c'est là que l'investissement doit être envisagé. Le standard des logiciels de mesure sur le terrain est Smaart Live qui. dans sa nouvelle version 6, est le complément naturel du notebook du sonorisateur qu'il soit dans le camp PC ou dans le camp Mac. Il est très facile de "dérouler la phase" et de caler rapidement la zone de raccordement. Le secret d'un bon raccordement résidant dans le respect de la phase, je dis bien la phase et non la polarité. Les voies hautes et basses doivent être "en phase" à la fréquence de raccordement pour permettre leur addition parfaite.
Et si ça vous démange au niveau du portefeuille de dépenser 600 €, vous pouvez trouver d'autres programmes à télécharger sur le net.
Acoustiquement vôtre,
Alain Pouillon-Guibert Ingénieur-conseil diplômé ESME. Consultant en acoustique et électroacoustique.
(1) Attention à ne pas confondre rendement et efficacité, ces grandeurs sont différentes et donc exprimées en différentes unités. Le rendement est le rapport entre la puissance sonore restituée et la puissance électrique consommée. Par abus de langage, on confond souvent l'efficacité exprimée en dB S PL avec le rendement qui. lui. est exprimé en pourcentage. Les valeurs exprimées en décibel (1/10 de Bel) sont une représentation logarithmique de l'intensité acoustique qui est elle-même l'expression de la puissance acoustique par unité de surface exprimée en Watts/m2. L'intensité étant proportionnelle au carré de la pression, on obtient, pour ceux qui aiment les maths : dB SPL = 20 Log10 (ρ/ρo).
ρo étant la pression de référence égale à 20 μPascal soit 2*10-5 Pa.
(2) Les ordres de grandeur, approximatifs. des composants nécessaires au filtrage passif d'un HP sont les suivants : Pour un filtrage du premier ordre à 100 Hz, c'est-à-dire juste une self en série avec un caisson de 8Ω, il faut une inductance de 13 mH et un condensateur de 200 μF en série avec l'enceinte satellite. Ces valeurs sont vraies pour des impédances purement résistives de 8Ω, ce qui est parfaitement faux dans cette zone de fréquences où. comme nous l'avons vu précédemment, la courbe d'impédance ressemble plus à un profil de chameau qu'à une ligne droite. Il va falloir alors compenser ces variations d'impédance par un circuit appelé cellule de Boucherot pour les francophones et Zobel network pour les autres, composé d'une inductance et d'un condensateur dont les ordres de grandeur sont encore supérieurs.
Si on passe au second ordre, ce qui est un minimum en terme de tenue en puissance, les valeurs augmentent encore et les composants sont doublés. Bilan de la manip, deux selfs énormes, car de faible résistance, deux condensateurs de grosse valeur et une résistance de puissance pour le caisson de grave avec la même chose pour l'enceinte satellite. Ceci étant à répéter autant de fois qu'il y a de caissons et d'enceintes, le bilan financier, lui, est très nettement défavorable comparé au prix d'un filtre actif et d'un ampli supplémentaire.
Sans compter que le résultat final sera infiniment plus facile à optimiser avec un filtre actif réglable, plutôt qu'avec des filtres passifs fixes.
Et je ne parle même pas de la désadaptation du filtrage passif avec la montée en température des bobines mobiles des HP...