COMMENT DESCENDRE PLUS BAS EN TENANT COMPTE DES LIMITATIONS MÉCANIQUES?
Comme je l'ai écrit plus haut, l'enceinte close n'est pas la meilleure charge pour un HP de grave dont on veut sortir du niveau, il existe d'autres solutions qui utilisent le principe du résonateur de Helmholtz (4), plus communément appelées bass-reflex. Certains "Tournesol" de l'acoustique vous diront qu'au lieu de perdre l'onde arrière, on va la récupérer en faisant un trou dans la boîte avec un tuyau pour faciliter le passage.
J'aime assez le côté poétique de l'explication. Mais qu'est ce qu'un résonateur de Helmholtz? Vous en avez tous utilisé un sans le savoir, en soufflant dans le goulot d'une bouteille pour en sortir un son proche de la corne de brume (figure 8). Et si vous poussez plus loin les investigations, vous pouvez moduler la hauteur du son en remplissant plus ou moins la bouteille. Une grosse bouteille vide avec un long goulot vous donnera une corne de brume bien grasse alors qu'une petite canette de bière sera plus proche de la flûte de Pan. En soufflant sur le goulot, vous excitez la résonance propre de la bouteille et celle-ci se calcule à l'aide de la formule suivante :
Hermann Ludwig Ferdinand Von Helmholtz
Les subs AX1118SP Proel du système line array Axiom: un 18" (46 cm) chargé en bass-reflex. L'évent est divisé en quatre avec un profil aérodynamique.
Les caissons de grave
Nous avons établi dans nos deux précédents numéros la justification de l'utilité de sources acoustiques dédiées aux fréquences graves. Les principes de base et les limitations physiques étant déterminées, passons aux applications pratiques.
Un excellent article sur les caissons de basse, en 6 parties, paru dans le magazine sono, N°323 à 328, par Alain Pouillon-Guibert, Monsieur APG himself.
C étant la vitesse du son dans l'air (344 m/s), S la surface (section) du col (m2), V le volume interne (m3) et I la longueur du col (m). Plus le volume et la longueur de col sont importants, plus la fréquence engendrée est basse ; à contrario, plus la surface est grande et plus la fréquence est élevée, et vice-versa.
DE LA BOUTEILLE AU BASS-REFLEX
Remplacez le mot "col" par le mot "évent" et vous obtenez la formule de calcul d'une enceinte bass-reflex (figure 9). Il suffit ensuite de calculer correctement les paramètres pour que le HP vienne exciter cette fréquence de résonance et c'est alors l'enceinte. l'ébénisterie elle-même, qui devient la source du son. J'y reviendrai plus en détail le mois prochain.
Acoustiquement vôtre.
Alain Pouillon-Guibert Ingénieur-conseil diplômé ESME. Consultant en acoustique et électroacoustique.
(1) Un dipôle est une entité qui comporte deux pôles... Dans le cas du HP ces deux pôles sont les deux faces de la membrane et elles ont, évidemment, des mouvements d'amplitude égale, mais opposée. Elles génèrent donc des pressions égales mais dont la somme est nulle.
(2) Un égaliseur paramétrique est un égaliseur dont on peut régler les paramètres... Quels sont-ils ?
Le premier, la fréquence à laquelle on veut effectuer la correction, F.
Le second, l'amplitude de cette correction, te gain qui peut être soit positif soit négatif (en dB). G. Le troisième, la largeur de bande de la correction (en anglais Band-Width), BW, exprimée en octave, ou bien le facteur de qualité. Q. Une largeur de bande élevée correspond à un facteur Q faible.
(3) Peter Baxendall (1921-1995) est un génie méconnu du public, seul son nom est universellement utilisé pour désigner le contrôle de timbre grave-aigu, qu'il a imaginé au milieu des années 50. Il travaillait à cette époque chez EMI en Angleterre et la qualité des correcteurs de l'époque n'était pas satisfaisante, toujours à cause du problème de détérioration de la réponse en phase. Le correcteur Baxendall est cependant destiné à corriger le timbre et non pas à compenser précisément une courbe de réponse dans le grave. Son efficacité est trop large pour ce type de travail, mais sa transparence sonore est la seule acceptable par les puristes de la Hi-Fi ésotérique...
Peter Baxendall n'a jamais gagné un penny sur son invention qu'il n'avait pas protégée.
(4) Hermann Ludwig Ferdinand Von Helmholtz (1821-1894), l'un des plus grands scientifiques allemands (on aurait pu s'en douter) du XIX" siècle, est à l'origine d'importantes découvertes en physiologie, optique, électrodynamique, mathématiques et météorologie. Le résonateur qui porte son nom n'était pour lui qu'un outil au service de la recherche sur les sons. Le portrait du grand homme nous prouve, s'il en était besoin, qu'on peut faire d'importantes découvertes tout en restant dans son salon.
A peine sorti de son emballage, le superbe boomer dont vous venez de faire l'acquisition est posé sur la table et relié à votre amplificateur. Musique Maestro ! Horreur et stupéfaction, j'entends bien la voix de Bob Marley, mais la basse est restée dans la loge ! Et oui, il ne suffit pas d'avoir le moteur, il faut aussi acquérir les autres éléments pour faire avancer la voiture. Il va donc falloir habiller notre HP d'une carrosserie adéquate qui va lui permettre de s'exprimer au mieux de ses capacités de basse. Foin de ténor ou de baryton, allons chercher le grave. Très simple me direz-vous, il suffit d'absorber l'onde arrière... Mais, au risque de décevoir la majorité d'entre vous, l'onde arrière est comme l'Arlésienne. tout le monde en parle, mais personne ne l'a jamais entendue. Tout un monde qui s'écroule, l'onde arrière est une abstraction de l'esprit, elle n'existe pas I Combien de fois ai-je pu lire des textes ou voir des schémas qui tintent comme autant de çonneries... à mes oreilles (non, il n'y a pas de faute d'orthographe). Comment se fait-il que l'onde avant se déplace gentiment sans souci vers l'avant alors que dans le même temps, l'affreuse onde arrière fait traîtreusement un demi-tour sur elle-même pour venir assassiner l'onde avant ? Si elle existait, il suffirait de mettre notre HP dans n'importe quelle boîte, bien étanche. pour empêcher la vilaine onde arrière de venir tuer notre belle onde avant... Manque de chance, la petite boîte bien close va aussi modifier l'onde avant et là le concept de l'onde arrière échappe sur la réalité physique.
La partie active d'un HP de basses est un disque animé d'un mouvement alternatif et est assimilable à un piston. Lorsque le piston se déplace vers l'avant, il crée une surpression à l'avant et une dépression égale à l'arrière. Son fonctionnement à l'air libre dans les basses fréquences provoque ce qu'on appelle un court-circuit acoustique. Aucune onde, qu'elle soit avant ou arrière, ne peut se former, la taille de notre HP étant trop faible. Je vous rappelle la formule λ = c / f3 qui donne la longueur d'onde en fonction de la fréquence. Pour mieux appréhender les notions physiques du son, il faut raisonner en termes de longueur d'onde et non pas de fréquence. Les sources sonores sont des objets qui ont une certaine taille. Du rapport entre cette taille et les longueurs d'onde, on peut mieux comprendre comment se forme et se propage le son. Dans les basses fréquences, les longueurs d'onde sont grandes, la vitesse de propagation du son étant constante, donc indépendante de la fréquence; lorsque les sources sonores sont de petites dimensions comparées aux longueurs d'onde générées, elles se comportent comme une source ponctuelle. Exemple :
Pour 100 Hz, la longueur d'onde est de 344/100 = 3,44 m. Notre HP a un diamètre qui est de l'ordre du dixième de cette valeur, c'est donc une source ponctuelle, ou plutôt deux sources ponctuelles qui fonctionnent en opposition et qui sont confondues. L'énergie générée par l'arriére de la membrane est égale et opposée à celle générée par l'avant, il y a donc annulation et l'énergie totale est nulle. Même un 46 cm aura du mal à fournir du niveau à cette fréquence. On peut considérer d'un point de vue mathématique qu'un HP est un dipôte (1) à partir du moment où ses dimensions sont de l'ordre des longueurs d'onde générées ou supérieures.
Il existe sur le marché de la Hi-Fi des enceintes, pour la plupart d'excellente qualité, fonctionnant sur ce principe et qui sont constituées d'une ébénisterie ouverte sur l'arrière, voire d'un simple panneau. Mais leur efficacité dans le grave est faible, et ces systèmes ne sauraient être pris en exemple pour délivrer des niveaux de grave importants.
COMMENT AMORTIR LES RÉSONANCES INTERNES?
En tapissant les parois d'un matériau absorbant, genre laine de roche ou molleton synthétique, mieux toléré par les mains. NON ! Je vais encore passer pour un bourreau des idées reçues, mais tapisser les parois de matériau absorbant ne sert à rien. Pourquoi ? Un matériau absorbant fonctionne comme un ralentisseur de molécules, il agit par frottement en diminuant leur vitesse. Il est donc à son maximum d'efficacité dans la partie centrale du volume, là où les molécules bougent le plus et parfaitement inutile sur les parois car le mouvement des molécules y est nul. Alors oublions les conseils avisés des acousticiens du dimanche et leurs beaux dessins avec la laine de verre agrafée sur les parois. Mais comment éviter les ondes stationnaires, me diront les plus tatillons ? Là encore la réponse est simple. Pour absorber un son, il faut une épaisseur d'absorbant supérieure à sa longueur d'onde. Alors inutile d'essayer d'absorber des sons dont la longueur d'onde est supérieure à 3.5 m si votre caisson de basse ne comporte pas de faces parallèles distantes de cette valeur. Il ne pourra pas être soumis au phénomène de création d'ondes stationnaires. Mais si vous fabriquez une enceinte large bande, il faudra tenir compte de ces dernières pour des fréquences plus élevées. Un autre détail, si les matériaux absorbants de faible épaisseur ne sont pas efficaces pour le grave, ils le sont par contre beaucoup plus en tant qu'isolant thermique et vont très vite gêner le refroidissement de la bobine. Pauvre bobine mobile qui chauffe dans le volume confiné qu'est l'enceinte close et qui risque rapidement de rougir de honte de ne pas pouvoir évacuer ses calories excédentaires. Essayez donc de mettre un fer à repasser dans une boîte étanche et attendez quelques minutes. Le résultat, destructeur, sera le même avec un HP de grosse puissance dans une enceinte close. Voici énumérées quelques bonnes raisons pour ne pas choisir un caisson clos pour un HP de grave, bien que la qualité du rendu sonore soit auditivement excellente, principalement grâce à la courbe de réponse en phase. Mais j'y reviendrai un peu plus tard.
Et les parois, comment empêcher leur résonance ? Première idée, en utilisant des parois de forte épaisseur faites d'un matériau dense et amorphe. Des planches de béton ou de plomb de 20 cm d'épaisseur seraient parfaites. Il existe d'autres solutions mieux adaptées, comme les raidisseurs. A masse égale, une enceinte constituée de parois épaisses sans raidisseurs sera moins bonne que sa petite sœur dont les parois seront plus fines mais raidies. Toutes ces considérations sont valables quel que soit le type d'enceinte choisi évidemment. Dans le cas qui nous intéresse, si vous êtes sensibles à la propreté du grave, je vous conseille une enceinte close, avec raidisseur (figure 3). Et si vous voulez que ça refroidisse, montez donc le HP à l'envers, un piston ça n'a pas de sens. Mon propos n'est pas de vous donner un cours sur le calcul des enceintes de grave mais, si vous êtes un peu matheux et intéressé par les méthodes de calcul, je vous invite vivement à consulter l'excellent livre de Francis Brouchier. accessible librement à l'adresse suivante : http://www.brouchier.com/livre Cet ouvrage, en français, vous permettra d'approfondir la physique des HP et des enceintes associées.
COMMENT ADAPTER L'ENCEINTE AU HP?
La première idée qui vient à l'esprit est d'augmenter la taille apparente de notre source sonore. Pourquoi pas un baffle infini. Il existe (figure 1) un baffle normalisé par la CEI (Commission Electrotechnique Internationale, en anglais IEC) qui sert à mesurer les paramètres des HP et à donner une courbe de réponse approximative. Les dimensions du baffle et la position du HP ont été choisies afin de donner suffisamment de niveau dans le grave et afin de minimiser les diffractions dues aux effets de bord. Mais, compte tenu des réponses non significatives obtenues dans le grave, les constructeurs de HP ont de plus en plus tendance à donner les courbes de réponse des HP chargés par une enceinte, dont ils donnent les caractéristiques, fournissant ainsi des informations plus proches de la réalité.
L'ENCEINTE CLOSE
L'enceinte close est la façon la plus simple de charger un HP de grave, mais ce n'est pas la meilleure pour obtenir du niveau. En effet, même de volume optimisé, une enceinte close ne pourra restituer de l'extrême-grave qu'avec des HP de grand diamètre et sera donc nécessairement de grand volume. Problème. il faudra aussi amortir les résonances internes, résonances dues au volume, à la réflexion sur les parois et aux vibrations de ces dernières. Et plus l'enceinte est grosse, plus les problèmes le sont aussi...
COMPARAISON BAFFLE INFINI ET ENCEINTE CLOSE
Dans l'exemple de la figure 2 (a et b). où le même HP est placé sur un baffle "infini" et en enceinte close, les deux courbes de réponse se croisent à 55 Hz; au-dessus de cette valeur, l'enceinte close offre un meilleur rendement, mais en dessous le baffle infini reprend le dessus. Pourquoi ? La masse d'air emprisonnée dans l'enceinte agit comme un ressort. Tout système constitué d'un ressort et d'une masse comporte une fréquence de résonance, c'est le choix du volume, donc de la fréquence de résonance, qui va dicter la forme de la courbe. Monté sur un baffle infini, le HP résonne à 30 Hz. monté dans l'enceinte. la résonance du système passe à 64 Hz. d'où le transfert d'énergie.
En pratique, quels sont les problèmes de fabrication ?
COMMENT "DESCENDRE" DANS LE GRAVE?
Et le processing ? me direz-vous. Bonne idée, répondrai-je, allons-y. En effet, la plupart des systèmes de sonorisation modernes, ainsi que les caissons de grave destinés au studio, comportent un traitement de signal, en anglais processing. Ce qui ne veut pas dire que les appareils utilisés incluent un "processeur", mais qu'ils modifient la forme du signal injecté dans l'ampli de façon à compenser la courbe de réponse de l'enceinte. Les systèmes de traitement de signal, génériquement appelés processeurs, peuvent être analogiques ou numériques (en anglais "digital"). L'intérêt d'un tel type de traitement est de pouvoir fabriquer une enceinte de faible volume et ensuite de "booster" le grave, ce qui est permis par les puissances importantes que les HP actuels sont capables de supporter.
CORRECTION ÉLECTRONIQUE
Par exemple, j'aimerais bien améliorer la coupure basse de mon enceinte close ; pas de problème. je vais faire transiter le signal par un égaliseur paramétrique (2) dont je vais finement ajuster les valeurs. Pourquoi pas un simple contrôle grave-aigu ? Ce type de contrôle appelé Baxendall (3) est auditivement excellent et apporte des corrections "naturelles" grâce à sa courbe de phase, mais sa correction dans le grave relève l'ensemble de la courbe, et donc aussi toutes les fréquences basses, chargeant ainsi inutilement l'amplificateur et l'enceinte bien incapable de reproduire des infrasons.
En figure 4, la courbe jaune représente la réponse en fréquence après application d'une correction paramétrique à 49 Hz. + 6 dB, Q = 2.2 pour une enceinte close. La fréquence de coupure est passée de 65 Hz à 44 Hz. Magique ! Magie noire ou magie blanche ? Mon enceinte de grave est d'un seul coup de crayon devenue un subwoofer. Toute médaille ayant son revers, quel est donc le défaut caché qui compense le gain qualitatif ?
LIMITES PHYSIQUES
Tout d'abord la puissance électrique a été augmentée, pas de problème pour une grosse bobine nourrie par un gros ampli. Mais encore ? Si vous vous souvenez de mon précédent papier, vous allez certainement vous intéresser à l'augmentation de déplacement induite par cette correction. Et là, Méphistophélès pointe le bout de son nez. Le tribut à payer est une augmentation drastique du déplacement de la membrane, seulement acceptable pour de très faibles puissances électriques. On s'aperçoit aussi d'un autre problème, la membrane bouge, beaucoup, même dans les fréquences en dehors de la bande passante du système. Il va donc falloir remédier à ce double inconvénient qui est à la fois consommateur de puissance électrique et juste bon à générer des courants d'air.
D'abord (figure 5), on peut constater que l'augmentation de déplacement a exactement la forme de la correction paramétrique, normal, mais encore que la limite de l'excursion est déjà atteinte vers 50 Hz sans correction aucune. En dessous de cette valeur, l'excursion reste sensiblement constante, mais le HP ne génère plus de niveau. Il va falloir trancher dans le vif en ajoutant un filtre passe-haut qui va supprimer les fréquences trop basses pour être reproduites par l'enceinte (figures 6 & 7). Ces deux dernières figures nous donnent un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Ne jamais chercher à aller plus loin que les possibilités mécaniques de l'enceinte. Certains fabricants prennent en compte ces problèmes de sur-excursion en ajoutant un filtre ou une correction dynamique qui suivent en permanence l'évolution du mouvement de la membrane et réduisent le niveau lorsque la limite risque d'être atteinte. Cerise sur le gâteau, dans mon exemple, la limite d'excursion est obtenue pour 11 W alors que la puissance admissible par le HP est de 150W! Ça donne à réfléchir et cette constatation tend aussi à mettre en avant l'importance du Xmax dans le choix d'un caisson de grave. C'est malheureusement une valeur que très peu de constructeurs d'enceintes donnent sur leurs fiches techniques.